Mathilde ROUANNET
AVOCATE

Quelles conditions remplir pour obtenir une garde alternée ?

Quand un couple se sépare, l’une des questions les plus importantes concerne l’organisation de la vie des enfants. Où vont-ils vivre ? Avec qui ? À quel rythme verront-ils l’autre parent ? La garde alternée, ou plus précisément la résidence alternée, apparaît souvent comme la solution la plus équilibrée. L’enfant partage son temps entre les deux foyers, maintient un lien fort avec ses deux parents, et ne se sent pas « coupé » de l’un ou de l’autre.

Mais cette organisation n’est pas automatique. Pour qu’une garde alternée soit mise en place, certaines conditions doivent être réunies. Le juge aux affaires familiales évalue chaque situation individuellement, en se fondant sur un seul critère, l’intérêt de l’enfant.

Vous vous demandez si la garde alternée est possible dans votre situation ? Quels sont les critères examinés par le juge ? Comment faire pour l’obtenir ? Je vous explique tout ce qu’il faut savoir sur les conditions de la garde alternée. 

La garde alternée : de quoi s’agit-il précisément ?

Commençons par clarifier ce qu’on entend par « garde alternée ». Le terme juridique exact est résidence alternée. Il s’agit d’une organisation où l’enfant vit alternativement au domicile de chacun de ses parents, selon un rythme défini.

Contrairement à la résidence habituelle chez l’un des parents avec un droit de visite et d’hébergement pour l’autre parent, la garde alternée place les deux parents sur un pied d’égalité. Chacun accueille l’enfant chez lui de manière régulière et équilibrée. Le quotidien de l’enfant est donc partagé entre deux maisons, deux chambres, deux quotidiens.

Les rythmes peuvent varier selon les familles et l’âge de l’enfant. Le plus courant est l’alternance par semaine. Mais d’autres organisations existent : deux jours chez l’un, cinq jours chez l’autre (pour les tout-petits par exemple), ou encore quinzaine par quinzaine. 

Les vacances scolaires sont généralement partagées par moitié. L’important est de trouver un rythme qui convient à l’enfant et qui soit compatible avec la vie professionnelle de chacun. Quant aux questions du quotidien (scolarité, santé, éducation), elles restent gérées conjointement par les deux parents, qui continuent d’exercer ensemble l’autorité parentale.

Sur le plan financier, en principe, il n’y a pas de pension alimentaire puisque les deux parents assument les frais de l’enfant à parts égales. Mais si l’un des parents a des revenus beaucoup plus élevés que l’autre, le juge peut décider qu’une contribution financière reste nécessaire pour équilibrer les charges.

La continuité affective permise par la garde alternée est souvent bénéfique pour l’équilibre de l’enfant. Mais attention, certaines conditions doivent être réunies pour que la garde alternée puisse fonctionner correctement. 

Quelles sont les conditions pour obtenir une garde alternée ?

La loi est claire sur ce point. L’article 373-2-11 du Code civil dispose que le juge aux affaires familiales fixe la résidence de l’enfant en prenant en compte « la pratique que les parents avaient précédemment suivie ou les accords qu’ils avaient pu précédemment conclure ». Mais au-delà de ces éléments, c’est toujours l’intérêt supérieur de l’enfant qui guide la décision du juge aux affaires familiales. Alors, concrètement, quelles sont les conditions pour qu’une garde alternée puisse être décidée par le juge ?

L’âge de votre enfant et sa capacité d’adaptation

Il n’existe pas d’âge minimum légal pour une garde alternée. Contrairement à une idée reçue, un très jeune enfant, même un nourrisson, peut, en théorie, être en résidence alternée si les conditions sont réunies. La jurisprudence a déjà validé des gardes alternées pour des enfants de quelques mois.

Cela dit, plus l’enfant est jeune, plus le rythme doit être adapté. Un bébé a besoin de stabilité et de repères constants. Si une garde alternée est envisagée, elle se fera souvent avec une alternance courte (deux ou trois jours chez chacun, plutôt qu’une semaine entière par exemple). Cela demande aussi une très grande coopération entre les parents.

À l’inverse, pour un enfant plus grand, l’alternance peut être plus longue. À partir de l’adolescence, l’avis de l’enfant prend de plus en plus de poids. Si ce dernier exprime clairement le souhait de vivre principalement chez l’un de ses parents, le juge en tiendra compte, à condition que cet avis soit évidemment éclairé et non influencé.

La distance entre les deux domiciles

C’est l’un des critères les plus déterminants. Pour qu’une garde alternée fonctionne, les deux parents doivent habiter suffisamment proches l’un de l’autre. Pourquoi ? Parce que l’enfant doit pouvoir aller à la même école, conserver ses activités extra-scolaires, ses amis, et ses repères.

Concrètement, quelle distance est acceptable ? Il n’y a pas de règle absolue, mais la jurisprudence retient généralement que la garde alternée devient difficile au-delà de 30 kilomètres entre les deux domiciles. Au-delà, les trajets réguliers deviennent trop longs, fatigants pour l’enfant, et source de complications logistiques.

En pratique, si vous habitez à Paris et que l’autre parent vit à Lyon, la garde alternée sera très probablement refusée. En revanche, si vous habitez deux quartiers d’une même ville, ou deux villes voisines avec un trajet court de quelques kilomètres, l’option paraît nettement plus envisageable.

Les conditions matérielles de chacun

Chaque parent doit être en mesure d’accueillir l’enfant dans de bonnes conditions. Cela implique de disposer d’un logement adapté avec une chambre pour l’enfant (ou au minimum un espace dédié s’il est très jeune), un lieu sécurisé, propre, et suffisamment spacieux.

Le juge examine aussi les horaires de travail de chaque parent. Pouvez-vous être présent pour emmener l’enfant à l’école le matin, le récupérer le soir, lui préparer ses repas, l’accompagner dans ses devoirs ? Si vous travaillez de nuit, ou si vous êtes régulièrement en déplacement professionnel, la garde alternée risque d’être compliquée à organiser.

Les moyens financiers comptent également, mais de manière raisonnable. Vous n’avez pas besoin d’avoir les mêmes revenus que l’autre parent pour obtenir une garde alternée. Ce qui importe, c’est que vous puissiez subvenir aux besoins quotidiens de votre enfant pendant les périodes où il est chez vous (nourriture, vêtements, loisirs, frais scolaires, etc.).

Votre capacité à communiquer avec l’autre parent

C’est un point essentiel, et souvent sous-estimé. La garde alternée suppose une coopération permanente entre les deux parents. Vous devez pouvoir vous parler, échanger des informations sur l’enfant, prendre ensemble les décisions importantes (choix de l’école, suivi médical, activités, etc.).

Si vous êtes dans un conflit si intense que toute communication est impossible, si chaque échange se transforme en dispute, si l’un utilise l’enfant comme moyen de pression sur l’autre, la garde alternée ne fonctionnera pas. Pire, elle risque de nuire à l’enfant, qui se retrouvera pris entre deux feux. Le juge évalue cette capacité de dialogue. Il ne s’agit pas d’être en parfait accord sur tout, ni d’être amis. Mais il faut au minimum être capable de se parler avec respect et de collaborer pour le bien de l’enfant.

L’équilibre psychologique de votre enfant

Enfin, le juge prend en compte la personnalité de votre enfant, sa capacité à s’adapter aux changements, et son équilibre émotionnel. Certains enfants vivent très bien l’alternance entre deux foyers. D’autres, plus fragiles, ou présentant des difficultés particulières (troubles du comportement, handicap, problèmes scolaires, etc.), ont besoin d’une base plus stable et de routines très marquées. Dans ces situations, le juge sera particulièrement attentif à l’impact de la garde alternée sur le bien-être de votre enfant.

Comment mettre en place une garde alternée ? 

Trouver un accord entre vous

La meilleure façon de procéder, c’est de vous mettre d’accord avec l’autre parent. L’accord amiable est rapide, peu coûteux, et cela préserve vos relations. Vous gardez la main sur l’organisation, plutôt que de la laisser imposer par un juge. Et surtout, cela montre que vous êtes capables de coopérer, ce qui est déjà une bonne base pour que la garde alternée fonctionne bien. Si vous parvenez à dialoguer sereinement, élaborez ensemble un calendrier précis : 

  • Quel rythme d’alternance ? 
  • Comment se passent les transitions ? 
  • Qui prend les vacances de Noël, de Pâques ? 
  • Comment organisez-vous la prise en charge des frais liés à votre enfant ?

Une fois que vous avez trouvé un terrain d’entente, vous pouvez rédiger une convention parentale qui formalise cet accord. Cette convention doit ensuite être soumise au juge aux affaires familiales pour qu’il l’homologue. L’homologation est importante puisqu’elle donne une valeur juridique à votre accord, ce qui signifie qu’il devient exécutoire. Si l’un des parents ne respecte pas ce qui a été convenu, l’autre pourra saisir la justice.

Toutefois, le juge peut également décider de refuser l’homologation s’il estime que la convention est contraire aux intérêts de l’enfant ou s’il a des raisons de penser que le consentement de l’un des parents a pu être vicié.  

Passer par la médiation familiale

Si vous n’êtes pas d’accord sur tout, mais que le dialogue reste possible, la médiation familiale peut débloquer la situation. Un médiateur neutre vous aide à clarifier vos positions, à exprimer vos préoccupations, et à construire ensemble une solution acceptable pour tous.La médiation n’est pas obligatoire, mais elle est vivement encouragée par les juges. 

D’ailleurs, si vous saisissez le tribunal, le juge peut vous proposer, voire vous ordonner de tenter une médiation avant de statuer. Les séances de médiation sont confidentielles et permettent d’aborder les points de désaccord. Le médiateur ne tranche pas à votre place, mais il facilite la discussion et vous aide à trouver un compromis.

Saisir le juge aux affaires familiales

Lorsque l’accord est impossible, ou que l’autre parent refuse catégoriquement la garde alternée, vous devez saisir le juge aux affaires familiales. C’est lui qui tranchera et décidera de l’organisation de la vie de votre enfant.

Pour ce faire, vous devez déposer une requête au greffe du tribunal judiciaire du lieu de résidence de votre enfant. Si vous êtes déjà en procédure de divorce, c’est le tribunal qui traite votre divorce qui sera compétent.

La présence d’un avocat n’est pas obligatoire. Toutefois, recourir aux services d’un avocat vous permettra d’aborder plus sereinement la procédure. Ce dernier rédigera la requête, constituera votre dossier, et vous représentera à l’audience pour défendre vos intérêts. L’objectif est de montrer au juge que vous remplissez toutes les conditions et que la garde alternée est la solution la plus équilibrée pour votre enfant. Une fois la requête déposée, une audience est fixée. Les deux parents sont convoqués, accompagnés de leurs avocats. Le juge peut aussi décider d’entendre l’enfant, si celui-ci en fait la demande ou si le juge estime que son avis est nécessaire.

Dans certains cas, le juge ordonne une enquête sociale. Un travailleur social se rend au domicile de chaque parent, observe les conditions de vie, s’entretient avec l’enfant, et rédige un rapport. Ce rapport pèse lourd dans la décision finale. Après l’audience, le juge rend sa décision dans un délai de quelques semaines. 

Et si la garde alternée ne fonctionne pas ?

Une garde alternée peut être décidée, puis se révéler inadaptée au fil du temps. L’enfant grandit, les circonstances changent, des difficultés apparaissent. Si vous constatez que l’organisation ne convient plus (votre enfant est fatigué, ses résultats scolaires baissent, il exprime un mal-être, ou l’autre parent ne respecte pas les modalités, etc.), vous pouvez demander une modification.

Commencez par en parler avec l’autre parent. Peut-être qu’un simple ajustement du rythme suffira à résoudre le problème. Si le dialogue est impossible, tentez à nouveau une médiation. En dernier recours, vous pouvez saisir à nouveau le juge aux affaires familiales. Vous devrez justifier votre demande avec des éléments concrets : certificats médicaux, bulletins scolaires, attestations de professionnels, etc. Le juge pourra alors modifier le rythme de l’alternance, la suspendre temporairement, ou fixer une résidence principale chez l’un des parents.

En résumé : 

La garde alternée est une organisation qui peut être très bénéfique pour l’enfant, à condition que certaines conditions soient réunies. Distance raisonnable entre les domiciles, logements adaptés, disponibilité de chaque parent, et surtout, capacité à communiquer et à coopérer.

Le juge aux affaires familiales évalue chaque situation individuellement, en se fondant uniquement sur l’intérêt de l’enfant. Aucun parent n’a un droit automatique à la garde alternée, mais aucun parent ne peut non plus s’y opposer sans motif légitime.

Si vous envisagez cette organisation, privilégiez d’abord le dialogue avec l’autre parent. Un accord amiable sera toujours plus rapide, moins coûteux, et plus respectueux de vos relations. Si ce n’est pas possible, la médiation puis le recours au juge restent des solutions pour faire reconnaître vos droits.

Vous envisagez une séparation et vous vous interrogez sur la garde alternée ? Ou vous souhaitez modifier une organisation existante ? Échangeons ensemble sur votre situation et les démarches à suivre !

FAQ

Qu’est-ce qui peut empêcher une garde alternée ? 

Plusieurs éléments peuvent faire obstacle à la garde alternée. Une distance géographique trop importante entre les deux domiciles (généralement au-delà de 30 kilomètres) rend l’organisation difficile. Un conflit parental très intense, des violences conjugales avérées, ou l’utilisation de l’enfant comme enjeu du conflit peuvent également justifier un refus. L’absence de conditions matérielles suffisantes chez l’un des parents (pas de logement adapté, horaires incompatibles), un risque pour la sécurité de l’enfant (addiction, comportements dangereux), ou encore le refus clairement exprimé par un enfant mature sont autant de motifs qui peuvent empêcher la mise en place de cette organisation.

Quelle distance entre les parents pour une garde alternée ? 

Il n’existe pas de distance maximale fixée par la loi, mais la jurisprudence retient généralement qu’au-delà de 30 kilomètres entre les deux domiciles, la garde alternée devient compliquée. L’essentiel est que l’enfant puisse garder la même école et ses activités sans subir des trajets quotidiens trop longs et fatigants. Le juge évalue au cas par cas.

Quelles sont les obligations des parents en cas de garde partagée ? 

En garde alternée, les deux parents doivent respecter le calendrier fixé et assurer une présence effective auprès de l’enfant pendant leurs périodes de garde. Ils doivent communiquer régulièrement sur les questions importantes : scolarité, santé, éducation, activités extra-scolaires, etc. Chaque parent doit favoriser les relations de l’enfant avec l’autre parent et s’abstenir de tout dénigrement. Sur le plan financier, chacun assume les frais courants de l’enfant pendant ses périodes de garde, et les frais exceptionnels (santé, scolarité) sont partagés selon les revenus de chacun. Enfin, les deux parents doivent veiller à ce que l’enfant dispose de ses affaires dans les deux foyers et faciliter les transitions d’un domicile à l’autre.

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