Mathilde ROUANNET
AVOCATE

Droit de visite des grands-parents en cas de conflit : les solutions pour agir

Le lien entre grands-parents et petits-enfants est précieux. Il fait partie de ces repères affectifs qui construisent l’enfant et nourrissent son histoire familiale. Pourtant, ce lien peut être brutalement rompu lors d’un divorce, d’une séparation conflictuelle, ou simplement par une décision unilatérale des parents.

Vous êtes grands-parents et on vous empêche de voir vos petits-enfants ? Vous vous sentez impuissants face à cette situation ? Rassurez-vous, le droit de visite des grands-parents existe bel et bien, et il est protégé par la loi. Même en cas de conflit familial, il est possible de faire reconnaître ce droit et de maintenir le lien avec vos petits-enfants. 

Dans cet article, je vous explique de façon simple ce que dit la loi, et surtout, comment vous pouvez agir pour retrouver vos petits-enfants

Le droit de visite des grands-parents : un droit reconnu par la loi

Le cadre légal : l’article 371-4 du Code civil

Le droit de visite des grands-parents n’est pas une simple tolérance ou un privilège accordé par les parents. C’est un droit inscrit dans la loi, précisément à l’article 371-4 du Code civil, qui dispose : « L’enfant a le droit d’entretenir des relations personnelles avec ses ascendants. Seul l’intérêt de l’enfant peut faire obstacle à l’exercice de ce droit. »

Cette formulation est importante puisque le législateur a considéré que ce droit appartenait d’abord à l’enfant, et non aux grands-parents. C’est l’enfant qui a le droit de maintenir des relations avec ses ascendants. Les grands-parents sont, en quelque sorte, les bénéficiaires de ce droit.

Les « relations personnelles » évoquées dans le texte englobent plusieurs formes de contact :

  • les visites (avec ou sans hébergement) ;
  • les appels téléphoniques ;
  • les échanges de courriers ou de messages. 

L’objectif étant de préserver un lien vivant et régulier.

Un droit qui protège l’intérêt de l’enfant

Pourquoi la loi reconnaît-elle ce droit ? Parce que le lien intergénérationnel est considéré comme bénéfique pour l’enfant. Les grands-parents apportent une stabilité, une continuité, une transmission de l’histoire familiale. Ils représentent souvent des repères affectifs essentiels, en particulier dans les périodes de turbulence (divorce, séparation, deuil).

Ce droit concerne tous les ascendants. Les grands-parents maternels et paternels, bien sûr, mais aussi les arrière-grands-parents. Peu importe que les grands-parents soient mariés, divorcés, ou remariés. Peu importe qu’ils soient les parents du parent qui a la garde ou de l’autre parent.

Les conditions pour exercer ce droit

La loi pose un principe simple : les parents ne peuvent pas refuser arbitrairement le droit de visite aux grands-parents. Le seul motif valable de refus est l’intérêt de l’enfant. Cela signifie que même en cas de divorce, de séparation conflictuelle, ou de tensions familiales, le droit de visite doit être respecté. Les parents ne peuvent pas couper les liens simplement parce qu’ils sont fâchés avec leurs propres parents ou beaux-parents.

Pourtant, dans les faits, ce droit est parfois refusé. Alors quelles sont les situations concrètes qui mènent à ces conflits ?

Pourquoi les parents refusent-ils le droit de visite aux grands-parents ?

Les situations de conflit familial

Le divorce ou la séparation des parents peut-être le point de départ de la rupture avec les grands-parents. Lorsque les parents se séparent dans un climat tendu, il peut arriver que l’un d’eux coupe les ponts avec la belle-famille. 

Le décès de l’un des parents crée parfois une situation similaire. Le parent survivant décide de couper les liens avec la belle-famille, privant ainsi l’enfant de tout contact avec une partie de ses racines.

D’autres conflits plus anciens peuvent également ressurgir. Des non-dits, des rancœurs familiales accumulées au fil des années ressurgissent à l’occasion d’un événement (naissance, mariage, séparation). Ces tensions, jusque-là enfouies, deviennent soudain des motifs de rupture totale.

Les désaccords éducatifs

Les différences de valeurs ou de méthodes éducatives sont également source de tension. Certains parents reprochent aux grands-parents de ne pas respecter leurs consignes : horaires de coucher non respectés, alimentation inadaptée, laxisme ou au contraire autoritarisme excessif.

Ces désaccords peuvent être vécus comme une remise en cause de l’autorité parentale. Lorsque le dialogue devient impossible et que chaque visite se transforme en sujet de conflit, certains parents préfèrent couper court et refuser tout contact.

Les accusations graves

Dans certaines situations, les parents invoquent des motifs plus préoccupants (suspicions de comportements inappropriés, accusations de manipulation de l’enfant contre ses parents, climat jugé toxique ou dangereux). Ces accusations, qu’elles soient fondées ou non, créent un blocage total du dialogue. Les parents estiment agir dans l’intérêt de l’enfant en le protégeant de ses grands-parents.

L’instrumentalisation de l’enfant

Enfin, il arrive malheureusement que les enfants soient utilisés comme moyen de pression. Certains parents coupent les liens avec les grands-parents pour punir leur ex-conjoint, pour se venger d’un affront, ou simplement pour exercer un contrôle total sur la situation. Cette instrumentalisation, quelle que soit la raison invoquée, est contraire à l’intérêt de l’enfant, et les juges sont particulièrement vigilants face à ce type de comportement.

En somme, les conflits entre adultes, aussi douloureux soient-ils, ne suffisent pas à justifier la rupture des liens avec les grands-parents.

Quelles conséquences pour vous et votre petit-enfant ?

Pour votre petit-enfant

Votre petit-enfant se retrouve privé d’un lien affectif qui faisait partie de son quotidien. Les week-ends chez vous, les vacances, les moments de complicité, tout cela disparaît brutalement, sans qu’il comprenne toujours pourquoi.

Cette rupture peut créer une perte de repères familiaux. Vous êtes souvent une figure stable, rassurante, qui raconte l’histoire familiale et transmet des souvenirs. Perdre ce lien, c’est pour lui perdre une partie de son identité. Votre petit-enfant peut également ressentir un sentiment d’abandon ou de culpabilité. Il peut s’imaginer être responsable de cette situation, croire qu’il a fait quelque chose de mal, ou se sentir tiraillé entre ses parents et vous.

Pour vous

De votre côté, vous vivez cette séparation comme une souffrance profonde. Ne plus voir grandir vos petits-enfants, ne plus partager de moments avec eux, c’est une douleur difficile à accepter.

S’ajoute à cela un sentiment d’injustice et d’impuissance. Vous ne savez peut-être pas que vous avez des droits, ou vous craignez d’aggraver la situation en entreprenant des démarches juridiques.

L’inquiétude pour le bien-être de vos petits-enfants est également très présente. Vous vous demandez s’ils vont bien ou s’ils pensent encore à vous. Cette situation peut avoir des répercussions sur votre santé et affecter profondément votre équilibre. Heureusement, la loi vous offre des solutions pour rétablir ce lien.

Droit de visite des grands-parents en cas de conflit | Comment l’obtenir quand les parents refusent ?

Étape 1 : Privilégier le dialogue

Même si la situation est tendue, la première démarche consiste à tenter une discussion apaisée avec les parents. Il est important de comprendre les raisons du refus, d’écouter leurs préoccupations, et de montrer votre volonté de trouver un terrain d’entente.

Vous pouvez proposer des modalités de visite rassurantes. Des visites courtes au début, en leur présence si nécessaire, dans un lieu neutre. L’objectif est de montrer votre bonne foi et votre respect de leur rôle parental. Parfois, le simple fait d’ouvrir le dialogue permet de débloquer la situation. Les parents peuvent avoir des craintes légitimes qu’il est possible d’apaiser par la discussion.

Étape 2 : La médiation familiale

Si le dialogue direct est impossible ou n’aboutit pas, la médiation familiale est une solution à envisager. Il s’agit d’un processus structuré qui permet de résoudre les conflits à l’amiable, avec l’aide d’un tiers neutre et impartial, le médiateur.

Ce dernier n’est ni juge ni avocat. Il ne tranche pas, il facilite le dialogue. Son rôle est d’aider chacun à exprimer ses besoins, ses craintes, ses attentes, et à construire ensemble une solution acceptable pour tous.

La médiation présente plusieurs avantages : 

  • elle est plus rapide et moins coûteuse qu’une procédure judiciaire ; 
  • elle permet de préserver les liens familiaux en trouvant une solution négociée ; 
  • et elle place l’intérêt de l’enfant au centre des discussions.

Vous pouvez engager une médiation de votre propre initiative, ou le juge peut la proposer (voire l’ordonner) si vous saisissez la justice. Dans tous les cas, il est conseillé d’y recourir dès les premiers signes de blocage, avant que le conflit ne s’enlise pour augmenter vos chances de parvenir à un accord.

Étape 3 : Saisir le juge aux affaires familiales

Qui peut saisir le juge ?

Tous les ascendants peuvent engager cette démarche : les grands-parents maternels, les grands-parents paternels, les arrière-grands-parents. Peu importe que vous soyez encore en couple ou divorcés. Le droit appartient à chaque ascendant individuellement.

Quelle juridiction saisir ?

Vous devez vous adresser au tribunal judiciaire du lieu de résidence de l’enfant. C’est le juge aux affaires familiales de ce tribunal qui sera compétent pour statuer sur votre demande.

La procédure

La procédure débute par le dépôt d’une requête au greffe du tribunal. Vous devez obligatoirement être représenté par un avocat, qui rédigera la requête et constituera votre dossier.

Il est essentiel de constituer un dossier solide pour démontrer l’existence d’un lien préexistant avec votre petit-enfant et prouver que le maintien de ce lien est dans son intérêt. Votre avocat vous guidera dans la collecte des éléments nécessaires.

Une audience sera ensuite organisée. Les parents seront convoqués et pourront présenter leur défense. Le juge écoutera chaque partie et examinera les pièces du dossier avant de rendre sa décision.

Le rôle de l’avocat

Faire appel à un avocat spécialisé en droit de la famille est indispensable. Il constituera votre dossier, rédigera la requête en y intégrant les arguments juridiques adaptés, vous représentera à l’audience, et défendra vos droits tout en gardant à l’esprit l’intérêt de l’enfant.

L’avocat saura également vous conseiller sur les modalités de visite à demander (fréquence, durée, avec ou sans hébergement) en fonction de votre situation spécifique et de l’âge de l’enfant.

La décision du juge

Le juge statue uniquement en fonction de l’intérêt de l’enfant. Il ne s’agit pas de trancher un conflit entre adultes, mais de déterminer ce qui est le mieux pour l’enfant. Si le juge estime que le maintien du lien avec vous est bénéfique pour votre petit-enfant, il ordonnera un droit de visite. Il fixera les modalités précises, particulièrement la fréquence (par exemple, un week-end par mois), la durée, le lieu des visites, et ses modalités (avec ou sans hébergement).

Dans certaines situations délicates, le juge peut prévoir un droit de visite médiatisé. Les rencontres se déroulent alors dans un lieu neutre, en présence d’un tiers qualifié. Cette mesure temporaire permet de rétablir le lien progressivement. Le juge peut également refuser le droit de visite si l’intérêt de l’enfant le justifie. Nous verrons plus loin dans quels cas ce refus peut être motivé.

Dans quels cas le droit de visite des grands-parents peut-il être refusé ?

Il est important de comprendre que le droit de visite n’est pas automatique. Le juge peut le refuser dans certaines situations.

Le seul critère : l’intérêt de l’enfant

Comme le précise l’article 371-4 du Code civil, seul l’intérêt de l’enfant peut faire obstacle à l’exercice du droit de visite. Mais qu’est-ce que l’intérêt de l’enfant ? Il s’agit d’un concept large qui englobe la sécurité physique et psychologique de l’enfant, son équilibre, son bien-être, son développement harmonieux. Le juge évalue chaque situation au cas par cas.

Les situations dans lesquelles le refus peut être justifié

Le juge peut refuser le droit de visite si des éléments démontrent que les visites seraient préjudiciables à l’enfant :

  • Comportements dangereux ou violents : violence physique ou psychologique, comportements abusifs envers l’enfant.
  • Addiction : problèmes d’alcoolisme ou de toxicomanie non traités qui mettent l’enfant en danger.
  • Manipulation de l’enfant : tentatives d’influencer l’enfant contre ses parents, dénigrement systématique de l’autorité parentale.
  • Absence totale de lien préexistant : si les grands-parents n’ont jamais eu de relations avec l’enfant et que leur apparition soudaine risque de perturber son équilibre.
  • Volonté de l’enfant : si l’enfant est suffisamment âgé et mature, son avis peut être pris en compte. Un enfant qui exprime clairement son refus de voir ses grands-parents sera entendu par le juge.

Les motifs qui ne suffisent pas à justifier un refus

À l’inverse, certains motifs invoqués par les parents ne sont pas suffisants pour justifier un refus du droit de visite :

  • Le conflit entre les parents et les grands-parents : les désaccords entre adultes ne peuvent pas priver l’enfant de son droit à maintenir des relations avec ses ascendants.
  • Les différences éducatives ou religieuses : des divergences de valeurs ou de méthodes éducatives ne justifient pas, à elles seules, une rupture totale du lien.
  • La nouvelle vie des parents : un remariage, un déménagement, ou le souhait de « tourner la page » ne sont pas des motifs légitimes de refus.
  • Le simple souhait de « couper les ponts » : la volonté des parents de mettre fin aux relations avec les grands-parents ne suffit pas. Il faut démontrer que ces relations sont contraires à l’intérêt de l’enfant.

Point important : la charge de la preuve pèse sur les parents qui refusent le droit de visite. C’est donc à eux de démontrer que le maintien du lien serait préjudiciable à l’enfant, et non aux grands-parents de prouver le contraire.

Combien de temps dure la procédure ? Quels coûts ?

Les délais

La durée de la procédure varie selon l’encombrement des tribunaux et la complexité de votre dossier. Il est donc impossible de vous indiquer un délai universel applicable à toutes les affaires. En revanche, lorsque vous rencontrerez votre avocat, ce dernier sera à même de vous indiquer une durée moyenne de procédure. 

Les coûts

Les honoraires d’avocat constituent le principal coût de la procédure. Ils varient selon le cabinet, la complexité du dossier, et la région. 

À mon cabinet, les honoraires pour ce type de procédure sont de 3 000 euros TTC. Ce montant couvre l'ensemble de l'accompagnement jusqu'à l'obtention d'une décision judiciaire ou d'une convention prévoyant votre droit de visite. Avant d'engager la procédure, je m'assure que les conditions sont réunies pour obtenir ce droit. Si votre situation ne permet pas d'établir un droit de visite, je vous en informe dès le départ. 

À cela s’ajoutent d’éventuels frais annexes (huissier si besoin de faire constater certains éléments, expertise psychologique si le juge l’ordonne, frais de déplacement si le tribunal est éloigné, etc.).

En résumé : 

Le droit de visite des grands-parents est un droit reconnu et protégé par la loi. Même en cas de conflit familial, ce droit existe et peut être exercé dans l’intérêt de l’enfant. Si les parents refusent de vous laisser voir vos petits-enfants, plusieurs solutions s’offrent à vous : le dialogue, la médiation familiale, et en dernier recours, la saisine du juge aux affaires familiales.

Chaque situation est unique, et il est important d’agir avec discernement. Privilégier toujours la solution amiable permet de préserver les liens familiaux et d’éviter une procédure longue et coûteuse. Mais lorsque le dialogue est impossible, faire reconnaître vos droits par la justice est une démarche légitime.

L’objectif reste toujours le même, l’intérêt de l’enfant et la préservation de ce lien intergénérationnel si précieux pour sa construction. 

Vous êtes dans cette situation et ne savez pas comment avancer ? Échangeons ensemble sur vos droits et les démarches possibles pour rétablir le lien avec vos petits-enfants.

Les derniers posts

Copyright Rouannet Avocat 2025
Site créé par PIKO PIKO